Mes Amelhens

Terre d'espérance
Dessin de Max Siffredi

André Ackermann

Mes débuts dans la Résistance :
Cette époque fut pour moi la première rencontre avec le monde du travail. Elle fut passionnante et je ne tardai pas à voir se manifester la Résistance.
Une distribution de tracts appelant à la résistance ayant eu lieu à l'usine, la police enquêta; elle en fut cependant pour ses frais, même si le commissaire de police était persuadé que les tracts venaient de l'instituteur communiste révoqué par Vichy et devenu manoeuvre dans l'usine. Tout le monde savait, personne ne parla, j'ai toujours gardé un sentiment de profonde fraternité pour mes compagnons de travail; Ils en étaient tous dignes.
C'est à cette époque que j'ai commencé mon action résistante...
Le 11 novembre ma modeste personne fut l'objet de la sollicitude de mes camarades de la Résitance, qui craignant de possibles représailles à mon égard de la part de l'occupant, m'enjoignaient de disparaître dans la montagne. C'est ainsi que je me retrouvai, pour quelques semaines, bûcheron dans l'Ardèche...
Je savais que c'était du provisoire, et bientôt je reçus l'ordre de rejoindre le Lubéron, où un maquis, sans doute l'un des tout premiers, était en formation.


Le maquis du Lubéron attaqué :

Au printemps 1943, nous avions été un certain nombre à juger que la pagaille ne pouvait plus durer. Des jeunes venaient, requis par le STO, avec le seul désir de se cacher. D’autres croyaient trouver tout organisé comme dans une caserne. Chaque jour, il y avait des arrivants, et aussi des gars qui disparaissaient. Il n’était pas possible qu’un tel trafic n’attire pas l’attention de l’occupant.
Pour tenter de mettre un peu d’ordre nous avions décidé de déménager le camp. Il faisait moins froid, bien que les nuits demeurent glaciales, nous allions monter un peu plus haut. Ne seraient acceptés dans le nouveau camp que ceux qui voudraient se battre et pas seulement se cacher. À cet effet, l’ancien camp servirait pour l’accueil et on n’accepterait pas n’importe qui au nouveau camp. L’ancien camp servirait également d’étape pour les corvées de ravitaillement et pour les sentinelles chargées de veiller à notre sécurité.
Le 14 avril 1943 nous
avions déménagé l’essentiel de notre effectif et de notre matériel sur le nouvel emplacement
...
Nous étions tirés du sommeil par des rafales d'armes automatiques, des explosions de grenade, et une troupe nombreuse d'alpini italiens nous encerclait...
Nous nous sommes bientôt retrouvés tous les huit solidement ficelés, les mains dans le dos et attachés deux à deux, au fond d’une clairière avec, braqués sur nous, plusieurs fusils mitrailleurs. La cause semblait entendue, nous allions être fusillés. Jean Moornans, auquel j’étais attaché, me regarda dans les yeux et me dit: “Tu sais, André, mourir pour une cause ça ce n’est pas mourir.”
Je dois dire que tout le monde se tint avec beaucoup de dignité. Nous étions dans un état second, un genre d’exaltation patriotique, qui nous faisait accepter l’idée de la mort avec beaucoup de sérénité. Il y eut de la part de nos geôliers de très longues palabres, du moins nous ont-elles paru ainsi, et nous avions l’impression que certains voulaient nous exécuter pour l’exemple, tandis que d’autres estimaient qu’ils n’avaient mis la main que sur un petit groupe,
et qu’il devait y avoir, derrière cela, toute une organisation qu’il convenait de démanteler. Il fallait donc nous faire parler pour pêcher de plus gros poissons.
Finalement on nous emmena, toujours solidement ligotés et on nous hissa dans l’un des quatorze camions qui constituaient le groupe d’intervention… Nous allions vers des jours difficiles.

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