Mes
débuts dans la Résistance :
Cette époque fut pour moi la première rencontre avec le
monde du travail. Elle fut passionnante et je ne tardai pas à voir
se manifester la Résistance.
Une distribution de tracts appelant à la résistance ayant
eu lieu à l'usine, la police enquêta; elle en fut cependant
pour ses frais, même si le commissaire de police était persuadé
que les tracts venaient de l'instituteur communiste révoqué
par Vichy et devenu manoeuvre dans l'usine. Tout le monde savait, personne
ne parla, j'ai toujours gardé un sentiment de profonde fraternité
pour mes compagnons de travail; Ils en étaient tous dignes.
C'est à cette époque que j'ai commencé mon action
résistante...
Le 11 novembre ma modeste personne fut l'objet de la sollicitude de mes
camarades de la Résitance, qui craignant de possibles représailles
à mon égard de la part de l'occupant, m'enjoignaient de
disparaître dans la montagne. C'est ainsi que je me retrouvai, pour
quelques semaines, bûcheron dans l'Ardèche...
Je savais que c'était du provisoire, et bientôt je reçus
l'ordre de rejoindre le Lubéron, où un maquis, sans doute
l'un des tout premiers, était en formation.
Le maquis du Lubéron attaqué :
Au printemps 1943, nous avions été un certain nombre à
juger que la pagaille ne pouvait plus durer. Des jeunes venaient, requis
par le STO, avec le seul désir de se cacher. Dautres croyaient
trouver tout organisé comme dans une caserne. Chaque jour, il y
avait des arrivants, et aussi des gars qui disparaissaient. Il nétait
pas possible quun tel trafic nattire pas lattention
de loccupant.
Pour tenter de mettre un peu dordre nous avions décidé
de déménager le camp. Il faisait moins froid, bien que les
nuits demeurent glaciales, nous allions monter un peu plus haut. Ne seraient
acceptés dans le nouveau camp que ceux qui voudraient se battre
et pas seulement se cacher. À cet effet, lancien camp servirait
pour laccueil et on naccepterait pas nimporte qui au
nouveau camp. Lancien camp servirait également détape
pour les corvées de ravitaillement et pour les sentinelles chargées
de veiller à notre sécurité.
Le 14 avril 1943 nous avions déménagé lessentiel
de notre effectif et de notre matériel sur le nouvel emplacement...
Nous
étions tirés du sommeil par des rafales d'armes automatiques,
des explosions de grenade, et une troupe nombreuse d'alpini italiens nous
encerclait...
Nous
nous sommes bientôt retrouvés tous les huit solidement ficelés,
les mains dans le dos et attachés deux à deux, au fond dune
clairière avec, braqués sur nous, plusieurs fusils mitrailleurs.
La cause semblait entendue, nous allions être fusillés. Jean
Moornans, auquel jétais attaché, me regarda dans les
yeux et me dit: Tu sais, André, mourir pour une cause ça
ce nest pas mourir.
Je
dois dire que tout le monde se tint avec beaucoup de dignité. Nous
étions dans un état second, un genre dexaltation patriotique,
qui nous faisait accepter lidée de la mort avec beaucoup
de sérénité. Il y eut de la part de nos geôliers
de très longues palabres, du moins nous ont-elles paru ainsi, et
nous avions limpression que certains voulaient nous exécuter
pour lexemple, tandis que dautres estimaient quils navaient
mis la main que sur un petit groupe,
et quil devait y avoir, derrière cela, toute une organisation
quil convenait de démanteler. Il fallait donc nous faire
parler pour pêcher de plus gros poissons.
Finalement
on nous emmena, toujours solidement ligotés et on nous hissa dans
lun des quatorze camions qui constituaient le groupe dintervention
Nous allions vers des jours difficiles.
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